Les voyages de Bougainville

Ayant développé dans mes précédents articles les règnes des deux Bonaparte, j'ai décidé, pour changer, de m'attaquer à une autre période historique, le XVIIIéme siècle. Et quoi de mieux, pour ineugurer cette nouvelle catégorie, qu'un article sur l'un des plus grands explorateurs français, Louis Antoine de Bougainville? Peu de grands hommes ont laissé une telle empreinte dans autant de domaines que se navigateur explorateur, écrivain et horticulteur à ses heures perdues, Bougainville fait définitivement partie des grands explorateurs.

Louis Antoine de Bougainville nait à Paris le 11 Novembre 1729. Il se destine d'abord à une carrière tout a fait classique, en entamant des études poussées, comme de nombreux fils de notaire. D'abord avocat, puis un temps officier, il devient finalement secrétaire d'ambassade à Londres en 1754. Il écrit pendant cette période son premier ouvrage, Traité du calcul intégral, pour servir de suite à l'Analyse des infiniments petits de M. le marquis de l'Hôpital. Deux ans plus tard, on le retrouve au Canada, en tant que capitaine.Bougainville est donc en première position lorsqu'éclate la guerre de Sept Ans. En 1759, lors du siège de Québec, il est chargé de la défense de la rive nord. Après quatre mois de statu quo, le débarquement des troupes britanniques a l'Anse au Foulon et la défaite française qui s'ensuit contraignent les défenseurs à évacuer la ville.

Le débarquement anglais à l'Anse au Foulon

Il dirige ainsi la retraite de l'armée française, le général Montcalm étant mort lors de la bataille des Plaines d'Abraham, qui vit les Français défaillir après quasiment cinq mois de siège. Bougainville passe le reste de la guerre en France, le long du Rhin. Mais c'est sur mer qu'il se distngue vraiment. En 1763, la guerre finie, il se voit en effet accorder le grade de capitaine de frégate, et se rend aves deux navires L'Aigle et Le Sphinx, aux iles Malouines, à l'extrême sur du continent américain. Inactif depuis la fin de la guerre, c'est de son propre chef qu'il envisage l'implantation d'une colonie dans ces iles encore inhabitées, et l'expédition qu'il mène est à ses frais. La création de la nouvelle colonie.

Partant de Saint-Malo le 13 Septembre 1763, il accoste dans la baie de Port-Louis le 3 Février 1764. Les 27 premiers colons batissent quelques habitations en joncs, puis un fortin en pierre. Mais le bois est extrêmement rare sur l'ile. Bougainville doit partir, avec un des navires, pour chercher du bois dans la région du détroit de Magellan. Cependant, le village prospère, les premières semences sont plantées, et le bétail, amené de France lors du voyage, s'acclimate au nouvel environnement. Si les températures sont froides (entre 5 et 15°C), l'ile est cependant favorable pour les cultures. Les colons chassent également les nombreux oiseaux, et ne tardent pas à fabriquer deux chaloupes pour la pêche. Deux mois après le débarquement, le 5 Avril, Bougainville prend officiellement possession de ces iles, puis repart en France, confiant la colonie à son cousin. Le colonie est baptisée Port-Louis, en l'honneur du roi Louis XV.

"Vue de la baye de l'Est de la plus grande des iles Malouines et de son habitation", 1769

Lorsqu'il revient, le 5 Janvier 1765, les quelques habitants sont toujours en bonne santé. Il est de retour avec beaucoup de provisions, et quelques nouveaux colons. Les habitants chassent à présent les phoques et les manchots royaux. Bougainville désire ramener de jeunes arbres du continents, afin de les planter sur l'ile. En effectuant une nouvelle coupe de bois au détroit de Magellan, il croise le commodore John Byron, qui a pris possession de l'ile à l'est, au nom du roi George III. Le capitaine repart donc vers la métropole, avec la ferme intention s'assurer les droits de la France sur ces iles. Il ramène un grand nombre d'huiles et de cuir des Malouines, et revient peu de temps après.

Cette fois-ci, la colonie grandit véritablement, et compte environ 150 habitants. Les habitations en dur se multiplient, et la petite communauté subsiste dans ce nouveau territoire. Cependant, les Britanniques, peu enclins à laisser l'archipel aux Français, établissent une colonie de l'autre coté du détroit séparant les deux iles principales. Le capitaine Mac Bride, qui commande l'expédition, profère des menaces à l'égard des Français. Les premiers vrais débordement viendront en fait du principal allié de la France: l'Espagne. Le roi Charles III considère en effet les Malouines comme sa propriété naturelle; cet archipel faisant selon lui partie du continent américain. De plus, l'établissement d'une colonie étrangère, même s'il s'agit d'alliés, risque d'être dangereuse pour le commerce dans la région. Le roi d'Espagne craint surtout que Port-Louis ne serve de base aux contrebandiers.

A la fin de l'année, Bougainville reçoit donc l'ordre d'évacuer Port-Louis, et de remettre les clefs de la ville aux Espagnols. C'est chose faire le 1er Avril 1767, date à laquelle l'Espagne prend officiellement possession de l'archipel. Les colons français sont évacués, hormis quelques familles que le roi lui-même autorise à rester. Pour compenser la perte de ces iles, l'Espagne, en gage d'amitié, paye aux Français la somme de 600 000 livres. Mais Bougainville a dès lors un autre projet en tête, et pas des moindres: il s'agit d'effectuer le tour du monde.

Il part de Nantes le 15 Novembre 1766, avec deux navires, La Boudeuse et L'Etoile. Un troisième bâteau rejoint l'expédition à Rio de Janeiro. C'est là qu'embarque le naturaliste Philibert Commerson, qui découvre la fleur nommée plus tard bougainvillée. Le 1er Avril, Bougainville remet donc les Malouines aux Espagnols, puis franchit ensuite le détroit de Magellan. Il parvient finalement à l'archipel des Tuamotu, encore inexploré, et fait finalement escale à Tahiti, un peu plus à l'ouest. L'ile a été découverte à peine neuf mois plus tôt par Samuel Wallis,  Bougainville est donc le deuxième européen à y faire escale, de courte durée cependant. Quelques jours plus tard, Bougainville repart, avec un jeune tahitien volontaire nommé Aotourou.

Quelques semaines plus tard, il découvre les iles Samoa, qu'il est le premier à explorer. Il les bapties Iles des Navigateurs. Il longe ensuite, sans s'y arrêter, Vanuatu, les Fidji, puis les iles Salomon. S'approchant du continent asiatique, il mouille aux Moluques, alors sous domination hollandaise, pour se ravitailler. Puis, poursuivant son voyage à travers la mer de Java, il franchit le détroit de la Sonde, qui sépare Java et Sumatra. Il fait escale à l'Ile de France, actuelle Ile Maurice, puis franchit le cap de Bonne-Espérance, et atteint Saint-Malo le 16 Mars 1769.

Ce voyage autour du monde est un grand pas dans la découverte de l'Océanie. Bougainville a découvert de nombreuses iles des Tuamotu, des Samoa ou des Fidji. Il publie entre 1771 et 1772 son Voyage autour du monde. Au-delà des données purement scientifiques et géographiques, Bougainville donne également de nombreux renseignements sur les moeurs et le mode de vie des indigènes qu'il a rencontrés. Son livre connait un immense succès. Diderot l'utilise comme toile de fond pour son Supplément au voyage de Bougainville, contr philosophique ou il dépeine une société tahitienne utopique.

La bataille de la baie de Chesapeake

Après ce voyage, Bougainville revient à une carrière militaire, commandant plusieurs vaisseaux différents entre 1772 et 1779. Cett année-là, devenu chef d'escadre, il repart sur le continent américain, afin de soutenir les Américains dans leur lutte pour l'indépendance... Il combat tout d'abord la flotte anglaise à la Martinique, avant de participer à la fameuse bataille de la baie de Chesapeake, qui voit la victoire de la flotte française face aux Anglais, avec une loyauté apparemment sans faille... Jusqu'au 12 Avril 1782. Lors de la bataille de Saintes, il fuit les combats, prétendant ne pas avoir compris les signaux de son amiral. Il ne fait cependant aucun doute que Bougainville a cherché à fuir les combats. Jugé à Lorient en 1784, il est cependant relaxé, en grande partie grâce à ses relations.

Cessant toute activité militaire, il devient membre de l'Académie des sciences, et envisage un projet d'expédition au pôle  Nord, qui reste sans suite. Tandisque survient la Révolution, Bougainville reste un royaliste convaincu, et soutient Louis XVI jusqu'à son emprisonnement. Vice-amiral et commandant de la flotte de Brest durant un an, il se retire définitivement du service en 1792, après avoir refusé le ministère de la marine. Sa fidélité au roi durant les premières années de la Révolution manque de lui coûter la vie. Arrêté pendant la Terreur, il ne doit sa libération qu'à la chute de Robespierre peu après.

Ce n'est qu'à l'arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte que Bougainville retrouve des fonctions officielles. C'est ainsi qu'il devient sénateur dès 1799. En 1804, il reçoit la Légion  d'Honneur, puis est nommé comte d'Empire. En 1809, il préside le jugement des responsables de la défaite de Trafalgar, sa dernière fonction officielle, avant une retraite définitive. C'est un homme comblé d'honneurs qui s'éteint le 31 Aout 1811, à Paris, à l'âge de 82 ans, laissant un héritage immense et de nombreuses découvertes. Il est l'un des derniers grands explorateurs français.